« Écrire, c’est hurler en silence. »
Cette phrase, je l’ai lu, il y a quelque temps, à plusieurs reprises.
Elle est, entre autres, le nom d’une communauté sur overblog.
Ceux qui connaissent ce blog depuis longtemps savent que, fut un temps, j’ai eu un besoin irrépressible d’hurler en silence.
À vrai dire, ce n’était pas réellement un besoin, c’était plutôt une nécessité. Les mots affluaient avec force et réclamaient d’être couché sur pages blanches. Alors, ils étaient partis prenante d’une thérapie et les partager, leur donner vie, c’était ma manière de les hurler.
Aujourd’hui, traitement, thérapie aidant, je n’éprouve plus la même obligation obsédante de devoir les poser. Leur présence, la fluidité de leur flux ont pris un tour beaucoup moins obsessionnel.
Si je sais que tout cela signifie que ma dépression a quelque peu perdue en force, ce qui somme toute est plutôt rassurant, si j’ai gagné en tranquillité d’esprit, si je subis beaucoup moins l’obsédante ronde des mots qui pouvaient parfois tourner sans fin des jours et des nuits entières, je mentirais en prétendant qu’ils ne me manquent pas.
Aujourd’hui, ce besoin d’écrire est légèrement différent :
Sur la forme, car ils n’ont plus cet automatisme qu’ils avaient alors, les phrases ne se construisent plus de manière aussi fluides dans un agencement qui semblait, quasi propre, à mon cerveau.
En clair, j’ai de nouveau l’impression d’avoir repris main mise sur une part de mes pensées.
Ce phénomène est difficile à expliquer. Je n’ai jamais eu l’impression de perdre le fil de mes pensées, mais, je n’étais pas toujours maître de la manière dont elles se construisaient.
Sur le fond, car cette nécessité de poser les mots l’est sans doute à peu près pour les mêmes raisons, mais, je le fais en pleine conscience. En clair, c’est moi qui décide du moment, du sujet, de la forme. Tout cela ne m’est plus imposer par les mots. Et, j’impose à mes mots ce besoin de devoir les poser.
Mais, me direz-vous, pour nous lecteurs, cela ne change rien. Sans doute …
Pourtant, j’ai éprouvé aujourd’hui le besoin de vous expliquer mon ressenti sur l’écriture.
À vrai dire, toutes ces élucubrations sur mes mots ne sont qu’un préambule pour vous parler d’un sujet radicalement différent.
Vous savez que j’ai passé il y a quelques mois un séjour dans une clinique pour gros.
J’ai continué tant bien que mal mon régime par la suite. Et puis vous n’en avez plus du tout entendu parler. Vous vous doutez, sans doute, grand devin que vous êtes, que pas de nouvelles, en instance, ne signifie guère bonne nouvelle quant à ma surcharge pondérale.
J‘ai perdu en tout 9 kilos et repris 4 kilos en grosso modo cinq mois.
J’ai décidé, il y a quelques semaines, de faire une fenêtre dans ma thérapie. J’ai donc arrêté momentanément d’aller voir la psychologue. Je pourrais vous donner les raisons qui m’ont poussée à le faire, mais c’est une autre histoire…
Cette fois, vous me voyez sans doute venir…
Coucher mes mots, aujourd’hui, est une manière de substituer la séance chez le psychologue.
Vous le savez, j’ai parfaitement joué et sincèrement joué le jeu de la thérapie depuis plusieurs années sans pour autant adhérer à un courant qu’il soit lacanien, freudien, etc. etc. . J’ai toujours considéré cette thérapie comme un espace « fabriqué » de parole. La psychologue était alors une oreille neutre, sans affect ; la séance un endroit, un moment, un espace où mes mots étaient libres.
A chaque fois que la psychologue m’interrompait pour me dire certaines choses auxquelles j’adhérais ou pas, j’avais l’impression que cette liberté était momentanément rompue et que, de fait, le fil de mes pensées ainsi que celui des conséquences, des conclusions, des actes éventuels qui en découlaient en était perturbé.
Si je n’ai adhéré clairement à aucune tendance psychanalytique, je me suis créée une thérapie à ma mesure, basé sur le fait que je suis la seule et l’unique maîtresse de mes pensées, la seule et unique maîtresse de mes actions, la seule et unique maîtresse, en un mot comme en cent , de ma vie.
Partant de là, les conseilleurs n’étant pas les payeurs, j’ai toujours conservé mon sens critique, sans pour autant fermer des portes, lors que certains psychiatres ou psychologues portaient des jugements sur ma vie ou sur ma manière de l’appréhender. Je n’ai pas refusé d’entendre ou écouter, je pense même avoir réfléchi avec honnêteté à certaines choses qui m’ont été dites.
Cependant, après huit ans de thérapie, je me rends compte que ce qui pour moi à de l’importance, c’est de trouver un espace de liberté où je peux laisser mes pensées, mes mots hurler autant qu’ils le veulent sans que quiconque en prenne ombrage, sans blesser qui que ce soit, tout en ressentant la merveilleuse libération du mot qui prend vie.
Se libérer du mot à plusieurs significations, ce peut être simplement mettre en forme certaines pensées, et de ce fait restructurer certains domaines de sa vie en les éclairant de manière différente ;
Ce peut être aussi poser des mots quasi au sens propre, c’est-à-dire, s’en débarrasser afin qu’ils ne vous encombrent plus ou du moins beaucoup moins.
Mon but, en écrivant cet article, était de poser des mots sur quelque chose qui encombre ma vie depuis que j’ai environ huit ans : ma manière de considérer l’alimentation.
Seulement voilà, j’écris, j’écris et deux pages plus loin, je me suis perdue dans les méandres d’une pensée vagabonde qui n’a pas toujours l’envie d’être absolument structurée.
C’est là un axiome de la thérapie que j’ai compris. Alors que je m’autorise à ne pas trop gendarmer ma pensée afin qu’elle reste intelligible, je laisse une petite part à mon inconscient, il est sans doute le responsable, effleurer la surface.
Quelques heures ont passé depuis le début de la rédaction de cet article, les pensées elles aussi ont bien sûr changé et il semble acquis que ce n’est pas encore aujourd’hui que je vous parlerai de mes états d’âme alimentaires.
Entre-temps, j’ai fait une rencontre très surprenante et qui je pense sera très intéressante.
Alors que je suis obèse, alors que je suis diabétique, alors que tout le monde s’accorde à dire que je devrais faire de l’équilibre alimentaire un des sujets prépondérants de ma vie, d’évidence, je n’y arrive toujours pas.
Il faudra pourtant que je prenne le temps d’y réfléchir, d’analyser et de comprendre ce quasi refus d’admettre la présence de ce diabète dans ma vie.