Le samedi fut bien calme, je me suis offerte une sortie afin de régler mon souci de connexion internet.
Malheureusement, le réseau de la clinique est tombé en panne, je passe donc ce weekend sans contact ou presque avec l’extérieur. Je ne peux pas ou plus alimenter mon blog, lire mes mails et ne suis pas une adepte de la télévision à hautes doses.
Il n’y a aucune activité prévue le dimanche, la journée est longue, grise.
La pluie s’est installée depuis la nuit et ne cesse depuis.
La clinique ne possède pas de jardin et le temps ne favorise pas les promenades. Alors, je tourne autour des trois escaliers, les monte et les descend sous des prétextes futiles : thé, découverte des lieux etc. …
Le personnel de la clinique est dans l’ensemble charmant, souriant et assez peu présent dans la mesure où je ne nécessite aucun soin médical particulier.
Je croise peu de compagnons O*, aujourd’hui, jour de visite.
J’échange quelques mots par ci par là. Encore une fois, je constate que le sujet de discussion quasi unique est la nourriture, comme c’est triste ! Ou peut être est-ce un besoin d’immersion totale dans la problématique ? Un moyen de ne jamais perdre de vue le pourquoi du comment ?
Pour ma part, je ne tiens pas à en faire une fixette au point de ne parler de rien d’autre.
Hier, j’ai bavardé avec un jeune homme, turc. D’entrée de jeu, nous avons sympathisé et parlé de ce pays que je connais peu et dont j’ai testé, il y a quelques années, l’hospitalité légendaire.
Nos rendez vous nous ont empêché de continuer. Je l’ai recroisé le soir et lui ai dit être ravie d’avoir enfin trouvé quelqu’un qui ne parle pas de régime ou nourriture.
Il semble que nous ayons un ressenti assez commun vis-à-vis des personnes rencontrées ici, il me dit avoir eu une entrevue houleuse avec le psychiatre à ce sujet.
Le téléphone a interrompu notre conversation mais j’ai bien envie de creuser un peu.
Il est handicapé et marche avec de grandes difficultés ou se déplace en fauteuil.
Il induit, lui aussi, cette notion de « minorité » des gros où beaucoup semblent s’enfermer.
Ce garçon m’a vraiment alors semblé très rafraichissant, et m’a rassurée sur le manque de compassion que j’ai à l’égard des personnes jusque là croisées dans cette clinique.
Ce que je vais écrire n’est sans doute pas très « politiquement » correct, pourtant, j’ai beaucoup de mal à adhérer à l’image du gros : lymphatique, lent de corps et d’esprit, cherchant à être assisté.
Malheureusement, je le croise ici très souvent et je crois que quelque part, je lui en veux d’être cette caricature vivante et grossière, véhiculant paresse et bêtise sous prétexte de vulnérabilité.
Mes mots sont durs, j’en ai conscience, , ils ne sont que le reflet d’un ressenti.
Certains diront qu’ils sont les laisser pour compte d’une société de consommation qui se confronte au travers de l’image des gros à ces terribles excès, c’est vrai, ô combien !
Mais est il nécessaire de « faire le jeu » de cette société en lui renvoyant en miroir un comportement d’apathique condamné à tous les maux de la terre ? Est-il nécessaire d’en venir par l’irrespect de l’autre à ne même plus se respecter soi même ?
Je n’ai eu à aucun moment une impression de « jugement » de la part de l’équipe soignante.
Je reste donc persuadée que c’est l’endroit rêvé pour cesser d’être « victime » et devenir le vrai acteur de sa vie et non plus cette image fausse à laquelle la société aimerait nous faire croire.
Cet endroit est idéal pour se libérer du poids de la culpabilité dans laquelle certains s’enferment.
Pourtant, depuis que je suis là, je vois des « moutons de panurge », totalement obsédés par la bouffe, qui grimacent au moindre effort, tristes erres, caricatures vivantes !
Mais, voilà en suis-je une moi-même sans en avoir conscience ? Ou suis-je à ce point inconsciente du mépris que j’inflige à mon corps en lui imposant une masse inutile ?
Il va me falloir le découvrir, m’en imprégner et surtout changer …
* obèse