La réalité
Il est sept heures, la journée commence et mon esprit s’éveille sur des pensées étonnantes.
Je réalise ce matin, que des années durant soit environ trente ans, j’ai collé à la réalité avec une telle énergie , un tel « jusqueboutisme », que je m’y suis enfermée à double tour sans quasiment en sortir.
Dés l’adolescence, j’ai baissé la tête dans le guidon et ne l’ai plus relevée jusqu’à ma dépression, il y a quatre ans.
Il est vrai que j’ai eu cette chance de ne pas cultiver les frustrations matérielles, celles du quotidiens, quoique … plus le temps est compté, comptabilisé à la seconde près parfois, plus les envies, les besoins se réduisent, pas le temps !
J’ai été prise dans cette vie frénétique où chaque seconde était occupée par le travail, principalement et par ma mère un certain temps.
Jeune adulte, il est des périodes où il ne me restait que quelques heures de sommeil en temps libre : soit au pire 4 heures par nuit. Le reste du temps était « overbooké », parfois sans même prendre le temps d’un repas.
Alors, ce matin, au sortir du sommeil, je me rappelle de ces paroles à la clinique : « vous n’acceptez pas la frustration. »
Je crois qu’en matière de frustration, j’ai été un maitre durant des années, la cultivant sans même m’en rendre compte.
Ce choix ou ce non choix d’ailleurs, je l’ai fait volontairement.
Je partais en vacances assez souvent dés que j’ai pu, épuisée et m’épuisant encore physiquement pour pouvoir aérer un peu mon esprit et mon corps, en plongée par exemple.
Il y a quatre ans, alors que cette dépression me laissait à terre physiquement et épuisée mentalement, les mots sont arrivés avec un besoin profond de les écrire.
Et ce matin, je réalise qu’ils sont sans doute le reflet des grandes frustrations que j’ai accumulées toute ma vie : le rêve, le fantasme, l’imaginaire, laisser couler le temps, prendre du temps, voler du temps, penser, prendre du recul, analyser, prendre le temps de sortir de sa petite vie, regarder l’autre sans le prisme déformé du travail.
J’ai vécu dans une sorte de vase clos dont je ne sortais que très peu durant des années et c’est le jour où du temps libre inopinée est entré dans ma vie que tout s’est détraqué, je goutais à la liberté et au début, elle eut un gout amer, peut être celui de l’inconnu.
Depuis, ma vie a changé, beaucoup changé. Le temps n’est plus apprivoisé voir un esclave mais juste une unité de mesure.
Les frustrations de l’époque se sont soudain libérées, parfois avec excès comme s’il s’agissait de rattraper le temps perdu. Je ne cultive pas le regret, ce n’est pas dans mon tempérament, mais quelque part, j’espère ma revanche …
J’ai délaissé MA vie intime, personnelle durant des années , alors aujourd’hui, il me faut la vivre, la vivre pleinement, sans cette retenue qui frôlait l’interdit, oui, aujourd’hui, je veux aimer, je veux être aimer sans peur, sans complexe, sans trop connaitre les limites.
Seulement voilà, je suis confrontée à la peur de l’autre et suis obligée d’accepter, à nouveau, une grande frustration.