Un siècle de jazz
En ce week-end pascal, j'ai envie de vous raconter un joli coup de cœur, une de ces expos dont on ressort 3 heures plus tard : HEU-REUX.
Une petite anecdote pour commencer :
Alors que nous arrivions, une intello blonde, si, si, je vous jure, c'est rare, mais ça existe, poussait des soupirs de désespoir devant : « le simplisme évident de l'agencement, la gestion navrante des volumes, manquant pour le moins d'imaginaire » .. La voilà clamant la chose haut et fort, à moitié tournée vers un jeune homme buvant littéralement chaque parole qui provoquait sur son visage un sourire béat et un rien « niaiseux » alors que l'autre moitié du regard de la blonde fuyait vers les cloisons de l'exposition ignorant avec une superbe quasi dédaigneuse, le délicieux contenu étalé dans les vitrines.
Et à ma grande honte, mais la honte est si vite passée, j'imagine la belle blonde élégante et sophistiquée ressortant une demi-heure plus tard satisfaite d'elle-même et de son jugement et paradant sans nul doute dans un quelconque vernissage parisien, le soir même, en criant à qui veut l'entendre : « avez-vous vu l'expo à Branly, un siècle de jazz ? AB-SO-LU-MENT FA-BU-LEU-SE !!! » .
Ce petit intermède juste parce que j'avais envie de faire mention de ces personnes qui, quel que soit le lieu, quel que soit le contexte, savent déjà tout sur tout, ont déjà tout vu ; ces personnes qui jaugent, jugent de tout au premier coup d'œil ; ces personnes pétries d'a priori ; ces personnes qui, malgré leur jeune âge pour certaines, sont déjà blasées de tout.
Je ne sais pas vous, mais moi je trouve que l'on en croise de plus en plus et je confesse que leur suffisance d'intello qui ne regarde plus rien et qui préjuge de tout m'agace très clairement. (Oops !!!)
Brefs revenons à l'essentiel : le jazz
Le lieu est grand, aéré, et déambuler sans être bousculé est un luxe que l'on a un peu oublié dans les musées parisiens, mais que l'on savoure à sa juste valeur.
Nous voilà partis à la découverte, en vrac, du « cake walk »,
des « jass band »,
de Picasso découvrant « une très belle danse barbare », d’Harlem, de Joséphine Baker,
des somptueuses affiches de Paul Colin …
La promenade se fait aux sons d’airs connus ou moins connus et nous sommes nombreux à sortir un petit carnet et un stylo afin de noter les noms, les titres, les années…
Au fil des salles, le long couloir devient le couloir du temps et nous avançons dans le siècle les yeux et les oreilles émerveillés parce que le jazz est simplement magique, il est la musique du cœur, une musique accessible et pourtant, ne vous y trompez pas, bien plus savante et écrite qu'il n'y paraît.
« La négritude » envahit Paris, Harlem, les images se multiplient, graphisme épuré des années 20, l'art nouveau, les affiches prennent des airs cubiques.
Un régal ! Vraiment ! On se penche pour lire chaque légende toutes pleines de malice et d'humour.
Cake Walk, ragtime, boogie-woogie, swing, be-bop, free jazz, de tous ces mots naissent les rythmes et voilà qu' on se laisse porter et emporter dans des sonorités folles ou les notes semblent jaillir de partout et en tous sens.
Les disques swinguent, les pochettes sont somptueuses, les noms sont des légendes :
Louis Armstrong
Coleman Hawkins
Dizzy Gillespie
George Gershwin
Le Cotton Club, Cab Calloway, Duke Ellington
Django Reinhart
Miles Davis, Boris Vian, Paris
John Coltrane
Billie Holiday
Ella Fitzgerald
Ils ne sont pas tous là et pourtant, la présence des absents se ressent au détour de chaque image, de chaque son et les souvenirs s'éveillent, ils viennent de l'enfance, ils balancent, ils swinguent …
Le jazz est là …
Matisse
Picasso, Buffet et les pochettes de disque
Pollock, Thomas Hart Benton
Miguel Covarrubias
Sem, Georges Goursat et les caricatures
Les zazous
Le time, jazz parody, les couvertures de livres, de revues
Ascenseur pour l’échafaud, les films
Guy le Querrec, les photos
Le jazz est partout, peintres, affichistes, écrivains, Looney toons, cinéastes, photographes, dessinateurs, journalistes ont habillé la musique, du noir et blanc est née toute une palette de couleurs riche, inspirée par des sons intenses, vibrants.
Le jazz est partout, les notes s'évadent du monde de la musique pour envahir l'art de ses assauts syncopés à la fois si écrits et improvisés.
Une main joue les accords avec une raison exemplaire, alors que l'autre s'en va divaguer tout autour de la mélodie, flânant en rythme tout sont saoul….
Choisir une musique pour cet article est une véritable gageure et bien sûr un crève-cœur parce que choisir l'une au détriment de l'autre, c'est quasi impossible !
Mais puisqu'il faut là maintenant ne choisir qu'une mélodie, je l’ai voulue très classique et archiconnue mais revisité à la sauce de John Coltrane : Summertime et puis une petite cerise sur le gâteau, une que j'adore : My favorite things …
Seulement, voilà qu’un terrible bémol vient s’immiscer dans l’histoire, le jazz est une musique très protégée et je ne peux vous l’offrir, ici, en écoute libre, alors, il va vous falloir aller la chercher, aller vers elle, et si vous l’aimez comme moi, vous allez durant des heures flâner dans les allées de deezer et consorts les oreilles et le cœur au vent à la redécouverte d’un monde qui swingue ….
Cette exposition se tient au musée du quai Branly jusqu'à fin juin.
Il est possible de prendre un billet groupé avec le musée sachant que flâner dans l'expo pendant 4 heures ne relève absolument pas de l'exploit !!!
Si vous voulez faire le plein de belles émotions, je vous la conseille vivement …