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12 février 2007 1 12 /02 /février /2007 17:20

 

Une nouvelle rubrique à brac : « il était une fois … » n’aura pour seule vocation que de raconter un moment tout simple, de lui rendre au travers des mots : ses couleurs, son émotion, sa vie.

Il est cinq heures, Paris s’éveille, dans une chambre toute rose, un réveil égrène des notes de jazz, la femme se tourne et tape en grognant le réveil. Dans sa tête, elle se conditionne à repartir dans la chaleur de ses rêves. Soudain, une idée fait surface, une vraie fulgurance, dans la pièce voisine, il y a un grand sac. Elle l’a préparé hier. Elle a d’abord tapissé le fond des 18 kilos incompressibles de matériel de plongée, puis elle a minutieusement fait taire sa coquetterie afin de trouver les 12 kilos de fringues sympas qui l’habilleront ces prochaines semaines. Alors, le cœur léger, elle saute au bas du lit.

La journée sera longue, peu captivante et pourtant si excitante. Il est six heures, on sonne à la porte, le cœur léger, elle attrape le gros sac, le panier fourre tout, la petite valise cabine qui a toute une histoire, son appareil photo et caracole les deux étages avec ces 40 kilos de plumes. Petite angoisse, il est six heures, Paris est plus qu’éveillé, banlieue sud, Roissy : le premier périple chaque fois incertain.

Une bonne heure plus tard, des au revoir rapides, un bisou, le trottoir d’un aéroport au petit matin d’hiver, le vent est glacial, elle entre dans l’aérogare, il y a déjà beaucoup de monde. Deux heures à piétiner, pour enregistrer ses bagages, un petit doute : a-t-elle été assez économe ? Le poids est il bien celui des 20+10 autorisées à la plongeuse ? Enfin, viens son tour, elle pose le sac. 36 kg, aie, bah juste 6 kilos en trop, comment est l’hôtesse en face ? Elle semble de bonne humeur. Elle la regarde avec une innocence feinte, l’air de celui qui n’a rien à se reprocher. L’hôtesse regarde enfin le poids, le note, elle va parler… Embarquement hall 2, porte 24, je vous souhaite un bon voyage Mme la Plongeuse.

Elle offre à l’hôtesse le plus beau sourire de soulagement qu’elle puise lui offrir. Elle ressent déjà cet air de liberté qui accompagne un voyage, elle est soudain plus légère. Elle ne tarde pas, elle passe le contrôle des passeports et s’approche des boutiques hors taxes qui longent le chemin. Elle regarde avec une moquerie tendre les fumeurs attraper frénétiquement leur précieux trophée acheté à moitié prix. Il y a peu, elle était parmi eux et ressentait une joie intense à passer des vacances à fumer pas cher et à en acheter bien plus qu’autorisé ce qui lui valait des petites frayeurs au passage de la douane. Elle est honnête et ne fraude jamais. Aussi, elle est persuadée que c’est écrit sur le bout de son nez. Elle regarde les stylos en pensant à son amour qui l'a encore mise de côté pour la nième fois. ces yeux s'embrument un peu, mais elle chasse vite les pensées moroses. elles n'ont pas lieu de prendre vie, là maintenant.

Puis elle continue vers le hall 2. Elle est prête à le parier, la porte sera la dernière tout au fond du couloir sans fin. : gagné ! Elle pose sur le tapis du contrôle des bagages à main, toutes ses affaires et passe le portillon. Il ne sonne pas, miracle ! Elle s’assoie assez éloignée de l’endroit où l’on embarque. Elle n’aime pas cette frénésie qu’ont les gens à ce moment comme s’ils craignaient que l’avion ne décolle sans eux. Les places sont numérotées, elle se sent si peu française à cet instant et admire le sens collectif de certains peuples. C’est si agréable d’attendre dans le calme. Elle déteste ces foires d’empoigne typiquement franco-françaises. 

Elle sort un  livre, en expirant doucement une longue bouffée d’air. Elle ne lit pas et regarde tout ceux qui l’entoure, essayant de leur rendre leur vie. Ce jeu est drôle, totalement inutile, on ne gagne rien que des idées fausses et des certitudes de pacotille, c'est ce qui le rend amusant.

Le plus pénible est fait. Il ne reste que le passage de la petite valise cabine. Elle est censée peser 5 kilos. La sienne en pèse au bas mot 15, voire plus. Il y a les détendeurs fragiles et lourds et puis un des ingrédients les plus importants du voyage : les livres. Tous ces livres qu’elle va enfin prendre le temps de déguster là bas, tranquillement allongée au bord de l’eau, dans un coin ombragé. Elle rêve éveillée quelques secondes.

La réalité la ramène dans la salle d’embarquement, les sièges de la rangée 15 à 20 sont appelés. Elle se lève et place intelligemment ses affaires bien trop nombreuses et lourdes de façon à passer en toute fausse quiétude, le barrage ultime de l’embarquement. Depuis, les hausses de prix des carburants et depuis les attentats aériens, le contrôle est plus sévère. Oh ! Elle est très innocente, elle est juste une tricheuse qui transporte un peu trop de poids. Elle tend sa carte d’embarquement. Deux hommes l’arrêtent. Pourtant, elle est certaine d’avoir donné au bras qui roule la valise cabine coupable, la légèreté qui s’impose. L’un d’eux soulève la valise incriminée  et la regarde avec un regard réprobateur.  Elle ne le laisse pas parler, elle lève vers lui ses yeux clairs et lui explique doucement avec un sourire timide qu’elle plonge et de ce fait : ce ne sont que quelques livres et des détendeurs. Il referme la valise et lui fait signe de passer. Un regard complice les lie l’espace de quelques secondes.

Cette fois, elle se sent libre, amusant paradoxe puisqu'elle va passer les prochaines heures enfermée dans cet espace minuscule: mais voilà le "cul en l'air".

Elle trouve la place pour ranger ces petits trésors. Elle s’assoit en saluant poliment ses voisins. Ils vont partager cet espace réduit durant 12 heures. Elle glisse son sac à main sous le siège. Elle place son livre dans la pochette devant. Elle ferme les yeux une seconde. Les réacteurs vrombissent, le captain nous a souhaité la bienvenue. Nous quittons Paris.

 

 

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Un Peu De Moi

  • : dépressive utopiste: isabelle
  • : une dépressive redécouvrant le monde semaine après semaine ...Une humaniste qui revit. écrire pour vivre, vivre pour écrire .
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  • isabelle Cassou
  • une depressive idéaliste qui veut croire en l'humain, qui n'acceptera jamais la communication à travers la violence, la guerre. j'ai la chance de vivre dans un pays où je suis libre de dire , d'écrire, le faire est un droit mais surtout un devoir
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